Description
Extrait :
« Apocryphe, nous dit-on, est un adjectif et pas un nom. Rien de plus regrettable. Avec plus
d’imagination, on se représenterait facilement l’apocryphe comme un cousin du sphinx,
pareillement composé de bouts d’animaux hétéroclites. Équipé comme le sphinx d’un
inquiétant arsenal de dents et de griffes, mais très différent quand même : alors que le sphinx
a toujours une question, l’apocryphe a toujours une réponse. Dans les deux cas, on en
réchappe rarement. […] Une fausse citation est comme un fil qui dépasse : il suffit que
quelqu’un tire dessus pour que tout le raisonnement se détricote, laissant l’orateur fort
dénudé. J’en éprouve même une pointe de remords à l’égard du doctorant à qui, tout
récemment encore, j’ai demandé d’où diable il sortait la très belle phrase de Nelson Mandela
qu’il brandissait en épigraphe. Même avec un sourire engageant, il se pourrait que ce genre
de question déstabilise un peu durant une soutenance de thèse… Quoique récidiviste, je ne
me crois pas méchant (que les âmes sensibles se rassurent, l’imprudent s’en est quand même
tiré). […] Hélas, on ne peut faire bénéficier les journaux d’une sensation aussi édifiante. Sauf à
être assez pervers pour soumettre à leurs propres facts checkers des citations relevées sur
leurs sites, mais ça serait probablement plus amusant que profitable. Ceci mis à part, je ne vois
pas. À moins que… »